MAD JACK: On The Run / Down The Road
(1984/1986- Crossroad Productions 2018)


Dans la série des groupes méconnus, Mad Jack a bénéficié d’une certaine longévité avec plusieurs albums à son actif depuis 1984. On retrouve même la trace d’un CD sorti en 2005. Originaires de Syracuse, près de New York, ces musiciens ont été largement influencés par le rock sudiste et ils ont ouvert pour pas mal de pointures au cours des années (Outlaws, Marshall Tucker Band, Blackfoot, Molly Hatchet). La firme Southern Records, très douée pour dénicher ce genre de pépites, propose une réédition de deux albums du combo réunis en un seul disque. La pochette parle d’elle-même avec toute l’imagerie du rock sudiste (colts entrecroisés, crâne coiffé d’une casquette de soldat rebelle). On commence par « On the run » qui date de 1994 et qui démarre avec « Too bad to tame », un bon « Southern boogie » rapide et swinguant comme on aime. On remarque le solo de piano et la slide bien sentie. L’influence du rock sudiste se fait également sentir sur «Hold on », rehaussé d’une guitare experte et d’un beau break. « A man like me » est un blues bien envoyé avec un certain esprit à la Allman Brothers et une six-cordes bluesy à souhait. La slide se déchaîne de nouveau sur le shuffle « Knee deep in the blues » et on apprécie le très bel instrumental « Justanna ». Quatre autres titres ne s’en sortent pas mal non plus : « Fine as she can be » (un rock qui se décline sur plusieurs tempos différents), « Bad man » (un rock sudiste hypnotique avec un solo de gratte proche du hard rock), « Outlaw blues » (un « Chicago blues » dans l’esprit de Muddy Waters avec une méchante guitare et un solo d’orgue) et la ballade acoustique « On the run ». Après tout ça, deux remarques viennent à l’esprit. Tout d’abord, les guitaristes connaissaient bien leur boulot. Ensuite, il faut pousser les basses à fond pour profiter de la basse et de la batterie, ce qui surprend de la part d’une production réalisée en 1994. Ce léger problème date sans doute de cette époque et doit se situer au niveau de la prise de son originelle ou du transfert de la bande master sur disque. On passe ensuite à « Down the road », un EP de cinq morceaux sorti en 1986 qui reflète bien cette période musicale et qui bénéficie curieusement d’un meilleur son que « On the run » enregistré douze ans plus tard. Ah, les hasards de la production ! Á moins que le groupe n’ait eu davantage d’argent à mettre dans ce « Down the road » qui sonne quand même un peu daté (années 80 obligent). On note cependant que les gratteux se débrouillaient déjà très bien. « Yours is the heart » tape du côté du hard/FM et est repris un peu plus loin en version instrumentale acoustique. Sur un tempo moyen, « Dead end street » laisse pointer quelques influences sudistes dans la rythmique. Le rock FM « Down the road » tape plutôt bien avec ses guitares harmonisées et son break bluesy. Et puis, le groupe joue la surprise avec un country-rock mélodique super sympa avec des influences Outlaws sur les couplets (« Green grass and high tides ») et New Riders Of The Purple Sage sur les refrains accélérés (« Panama red »). C’est sans doute le meilleur titre de cette réédition. Mais le meilleur est gardé pour la fin. En effet, le guitariste-chanteur et fondateur de Mad Jack n’est autre que Lou Kaplan qui a joué un temps avec Savoy Brown puis a refait parler la poudre plus récemment avec Lonesome Crow. Du coup, on comprend mieux pourquoi les parties de guitares sont si balaises. Et on sait pourquoi le son de l’album « On the run » manque d’épaisseur. En effet, Lou avait expliqué dans une interview qu’« On the run » n’était qu’une démo au départ. Ayant réussi à obtenir une somme d’argent inespérée, le groupe avait alors décidé de presser le disque tel quel. Comme quoi, on finit toujours par tout savoir. Le monde de la musique est décidément bien petit ! Malgré les années, ces chansons tirées de l’oubli devraient certainement ravir les amateurs de bonne musique.

Olivier Aubry